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Wagner, le bras armé de Vladimir Poutine, peut-il se retourner contre le chef du Kremlin ?

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Vladimir Poutine serait-il menacé dans son propre camp ? Le groupe Wagner gagne en influence sur le terrain et dans les médias dans le contexte de la guerre en Ukraine. Son chef, Evguéni Prigojine, critique ouvertement la gestion de l’armée russe et le ministre de la Défense russe Sergueï Choïgou. Ce qui mène le think-tank américain, The Institute for the Study of War, à émettre l’hypothèse d’une menace pour le président russe. « Evguéni Prigojine continue d’accroître son pouvoir et met en place une structure militaire parallèle aux forces armées russes, qui pourrait menacer le pouvoir de Poutine, du moins dans l’espace d’information », avance l’étude parue lundi 24 octobre.

Le chef du groupe armé se permet même de faire ces critiques sur l’effort militaire russe directement à l’oreille du Kremlin. Une révélation qui « montre à quel point son influence s’accroît alors que la guerre de Moscou vacille », commente à son tour le Washington Post. De là à faire trembler le chef d’Etat en place depuis plus de vingt ans ? « Il prend de l’importance au niveau de la couverture médiatique de la guerre en Russie », confirme à 20 Minutes Carole Grimaud, Fondatrice CREER à Genève, experte à l’Observatoire géostratégique de Genève. Toutefois, Evguéni Prigojine n’a « aucun intérêt à faire tomber le pouvoir en plus de ne pas avoir les moyens matériels de prendre le pouvoir par la force », ajoute Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, historien et stratégiste.

Une influence grandissante

Créé sur le terrain dans le Donbass en 2014, le groupe Wagner n’existe pas officiellement. De fait, les milices privées sont interdites en Russie. Pourtant, si Moscou nie continuellement son existence, les preuves de sa présence dans différents conflits du monde où Moscou est indirectement ou directement engagée ne font plus de doute. On retrouve des traces de ces mercenaires aussi bien en Libye, en Syrie qu’au Mali, et plus largement au Sahel, et bien sûr, aujourd’hui, « il est devenu essentiel en Ukraine », affirme Carole Grimaud. Son chef a par ailleurs publiquement reconnu qu’il était à la tête de cette milice privée le 26 septembre dernier. De quoi le faire exister malgré les démentis au sommet.

D’autant que son action sur le terrain est loin d’être négligeable. Quand l’armée russe essuie de nombreux reculs face aux forces ukrainiennes, notamment dans la région de Kherson, Wagner est la seule à continuer d’avancer, comme à Bakhmout où les combats entre les armées ukrainienne et russe font rage, selon Volodymyr Zelensky. « C’est certainement la force armée russe la moins mauvaise en ce moment », résume Michel Goya. « Wagner devient indispensable et Evguéni Prigojine s’appuie là-dessus » pour susurrer à l’oreille du Kremlin, poursuit-il. « Evguéni Prigojine prend alors de l’importance au niveau de la couverture médiatique en Russie, en plus de son influence sur le terrain, explique Carole Grimaud. Wagner est devenu un mythe. »

Cette influence se concrétise par le changement de stratégie adoptée sur le terrain sous les conseils du patron de Wagner. Le réputé impitoyable Sergueï Sourovikine a été désigné comme nouveau commandant, puis des frappes sur les infrastructures énergétiques ont été ordonnées, enfin, il y a la mobilisation partielle engagée depuis fin septembre, « à la demande d’Evguéni Prigojine », précise Carole Grimaud. Si Vladimir Poutine applique cette ligne de la droite dure russe, c’est parce qu’il écoute ce qu’Evguéni Prigojine lui propose. « Vladimir Poutine a compris que les décisions prises sont parfois en inadéquation avec les mouvements sur le terrain » et prend en compte les propositions de celui qu’on surnomme aussi « le cuisinier de Poutine », développe l’experte. Il a même été décoré par la médaille de héros de la Fédération de Russie.

Des critiques publiques contre l’armée russe

Aujourd’hui, Evguéni Prigojine a pris une telle importance dans le conflit en Ukraine qu’il se permet même des critiques publiques contre l’armée russe et le ministre de la Défense Sergueï Choïgou. Selon le Washington Post, un membre du cercle proche de Poutine lui aurait directement exprimé son désaccord sur la façon de mener la guerre en Ukraine. Ce membre serait Evguéni Prigojine, selon des responsables américains cités dans le quotidien.

Le patron de Wagner a par ailleurs « diffusé une vidéo des mobilisés critiquant l’organisation et les conditions de prise en charge dans l’armée russe », rappelle Michel Goya, selon qui le numéro deux en charge de la mobilisation a par la suite été arrêté. Ces critiques publiques, si elles paraissent osées dans un régime aussi autoritaire que la Russie, ne sont toutefois pas dirigées vers Vladimir Poutine. « Evguéni Prigojine critique surtout l’armée russe et Sergueï Choïgou en se targuant de faire les choses mieux », souligne l’historien militaire.

Il n’est d’ailleurs pas le seul à le faire. Un autre chef de guerre appartenant à l’aile dure du régime, Ramzan Kadyrov, président tchétchène à la tête des kadyrovtsy, y est également allé de sa petite critique sur l’armée russe, appelant même Vladimir Poutine à utiliser des armes nucléaires de faible puissance. Le Tchétchène a également applaudi la nomination de Sergueï Sourovikine à la tête de « l’opération spéciale en Ukraine. » « Ces deux personnages veulent une guerre totale », affirme Michel Goya. Ces critiques sont donc constructives et destinées à faire gagner la Russie. Evguéni Prigojine n’a jamais critiqué le fait même de faire la guerre à l’Ukraine, au contraire. Et s’il y a une montée en force de ces compagnies, « on ne peut pas dire, pour l’instant, qu’elles peuvent devenir un ennemi de Vladimir Poutine », affirme Carole Grimaud.

Des intérêts ailleurs qu’au Kremlin

Si ces critiques visent indirectement le Kremlin, « c’est plus une manière de dire au patron qu’il est mal entouré », résume l’historien. « Comme à l’ère féodale, poursuit-il, il y a des petits seigneurs, des petits fiefs, qui ont leur armée en parallèle de l’armée régulière et chacun joue son propre jeu pour se placer. » Une guerre entre les différents seigneurs de la guerre. Les experts ont du mal à imaginer que cette montée en puissance prenne davantage d’ampleur, jusqu’à renverser le chef d’Etat. Et ce n’est, par ailleurs, pas dans l’intérêt d’Evguéni Prigojine. « C’est Poutine qui l’a fait, qui lui a permis de s’enrichir », complète Carole Grimaud. Il n’a pas intérêt à ce que ça s’arrête. « Pour l’instant, il profite bien de la situation, pourquoi voudrait-il renverser un régime qui l’a placé là où il est ? », insiste-t-elle.

D’autant qu’Evguéni Prigojine a des intérêts économiques ailleurs, notamment en Afrique où Wagner a pris de plus en plus de place et « continue à gagner du terrain », note l’experte, surtout depuis la fin de l’opération Barkhane menée par la France. « Evguéni Prigojine est un homme d’affaires, pragmatique, il ira là où les affaires sont les plus fructueuses », insiste-t-elle.

Quand bien même il voudrait s’octroyer le pouvoir, il y laisserait des plumes. Il n’a pas les capacités de le faire. Ni politiques, ni militaires. « Il fait partie des cercles proches de Vladimir Poutine mais pas tant que ça », explique Carole Grimaud. Son pouvoir est essentiellement militaire. Et même là, « il n’a pas les moyens de prendre le pouvoir par la force », abonde Michel Goya. Et si Poutine était fragilisé par une défaite en Ukraine ? Impossible de prévoir quelle suite imaginer pour la suite du régime russe, mais Evguéni Prigojine ne semble pas sur le point de remplacer son patron.

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