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une héroïne encore trop définie par sa victimisation

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Anne Marie Stanley (Lucrèce) et Jolyon Loy (Tarquinius) dans L'Enlèvement de Lucrèce - Camilla Greenwell

Anne Marie Stanley (Lucrèce) et Jolyon Loy (Tarquinius) dans L’Enlèvement de Lucrèce – Camilla Greenwell

L’Enlèvement de Lucrèce est ce que Benjamin Britten a fait ensuite : le deuxième opéra difficile après l’un des plus grands débuts du répertoire. Là où les enchevêtrements émotionnels de Peter Grimes sont généreux et confiants, Lucretia est étroitement noué : un opéra de chambre tendu, tendu et complexe qui exige une séparation minutieuse de son public. Bien fait, c’est aussi une expérience bouleversante – une vivisection de la guerre et de ses traumatismes, encore chaude lors de la première de 1946.

Seule à la maison avec ses serviteurs pendant que son mari Collatinus combat à la guerre, Lucretia reçoit la visite du prince envahisseur Tarquinius. Il la viole. Submergée par la honte, elle convoque son mari, lui raconte ce qui s’est passé, puis se tue devant lui.

Le réalisateur Oliver Mears enveloppe la vaste scène de Snape Maltings de rideaux blancs. Nous sentons chaque pouce de cette largeur alors qu’ils se ferment à plusieurs reprises, forçant le chœur masculin et féminin (Michael Gibson et Sydney Baedke) à les rouvrir, exposant les horreurs derrière. Ces narrateurs – un cadre chrétien mielleux pour une intrigue loin d’être chrétienne – ne sont qu’un des défis du livret surmené de Ronald Duncan. Si Mears ne peut pas les résoudre complètement, sa mise en scène fournit une brassée d’innovations et d’idées intéressantes en cours de route.

La question de l’enjeu émotionnel est cruciale. Sans trop en dévoiler, ces spectateurs sont absolument liés à la tragédie dont ils témoignent. Nous ne sommes plus dans la Rome antique mais dans une institution d’aujourd’hui, tout en pastels stériles et en confort d’essuyage. Perchés sur un affreux canapé, armés d’un dossier bourré de documents, ils nous racontent une histoire qui touche autant à la politique et à la psychologie de la guerre qu’à ses sévices physiques.

La propagande est tout. L’hymne dévoué de Lucretia à son mari absent devient une interview télévisée; une diffusion de style tabloïd est épinglée au mur de la caserne; son cadavre est soigneusement photographié par Junius – des munitions émotives pour le renversement de Tarquinius et de la domination étrusque. Même le ravissant duo de Bianca et Lucia « O ! Quelle belle journée » devient un visage public courageux sur une peur privée indescriptible.

Ce qui manque, c’est un sens des personnages en tant que personnes plutôt que des idées. La jeune distribution chante bien, soutenue de manière dynamique par les musiciens d’Aurora Orchestra et la chef d’orchestre Corinna Niemeyer. Mais hormis la relation habilement esquissée entre la Bianca de Carolyn Holt (chaleureuse, protectrice, provocante) et la Lucia aux yeux écarquillés de Sarah Dufresne, elles manquent de spécificité, de particularité.

La Lucretia de la mezzo-soprano Anne Marie Stanley est étrangement immobile car on n’apprend d’elle que sa victimisation : elle est ce qui lui arrive. C’est un problème qui est en partie dû à Britten, mais que cette production intelligente et sensible ne parvient toujours pas à résoudre.

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