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Le projet de «salle de shoot», dont l’intérêt est validé par les scientifiques, encore reportée

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Décidément, l’installation d’une salle de consommation à moindre risque (SCMR), mieux connue sous le terme de salle de shoot, est très laborieuse à Bordeaux. Pourtant il ne s’agit pas de défricher le terrain à l’échelle de l’Hexagone car les premières salles de ce type ont déjà ouvert à Paris et Strasbourg en 2016. Et, un rapport commandé par la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) à l’Inserm démontre sans ambiguïté l’intérêt des dispositifs évalués dans ces villes.

A son arrivée à l’hôtel de ville, la nouvelle majorité municipale a voulu faire avancer le dossier mais l’ouverture d’une SCMR, prévue au sein de l’Hôpital Saint-André, au centre-ville de Bordeaux, paraît aujourd’hui prématurée à la préfète de la Gironde Fabienne Buccio. Elle se dit toutefois favorable à une rencontre avec la mairie, la procureure de la République et l’Agence régionale de santé sur le sujet.

Les conditions d’ouverture sont réunies

« Notre projet est prêt depuis longtemps, réagit avec une certaine lassitude Véronique Latour, présidente de l’association La Case, l’opérateur désigné pour la gestion d’une éventuelle salle. C’est un serpent de mer. J’ai déposé le premier projet en 2010 et on est en 2022… » Les crédits pour les travaux à opérer au sein des locaux ont déjà été attribués, manque le feu vert administratif et les crédits de fonctionnement qui l’accompagnent.

L’équipe Juppé avait tenu à ce que le projet se fasse au sein d’une structure hospitalière plutôt qu’associative. « Il n’y a pas d’avantage médical à ce que ce soit dans l’hôpital Saint André mais un intérêt d’implantation géographique car il est au centre-ville et il n’y a quasiment pas de riverains. Je trouve que c’est un compromis intéressant », commente Véronique Latour. L’ouverture était programmée pour 2018 après le lancement des expérimentations mais, comme à Lille, à Bordeaux ça bloque.

Les évaluations de l’Inserm sont positives…

Le bilan que dresse l’Inserm dans son rapport, rendu public en mai 2021, est positif à tous les niveaux : pour les patients concernés, les riverains de ces SCMR et la société en général, d’un point de vue économique. Les patients, même très marginalisés, adhèrent au dispositif puisqu’il « répond à leurs besoins immédiats », souligne Marc Auriacombe, chef du service d’addictologie de l’hôpital Charles Perrens à Bordeaux, qui a piloté l’une des équipes de recherche dans le cadre de l’étude de l’Inserm. Et, au moins un tiers du public issu des dispositifs de Paris et Strasbourg, transite ensuite vers la filière « normale » de soins.

« L’étude des traces de consommation (seringues, emballages de médicaments, etc.) dans un périmètre géographique proche de la SCMR parisienne met en évidence une diminution significative des seringues abandonnées dans l’espace public, leur nombre ayant été divisé par trois depuis l’ouverture de la salle », pointe par exemple le rapport. Pour autant, elle nuance aussi la portée de ces mesures qui « ne résolvent pas toutefois, à elles seules, l’ensemble des problèmes de santé et de tranquillité liés à l’usage de drogue ». L’efficacité reste indéniable puisque certains des riverains concernés en arrivent à demander « une augmentation des heures d’ouverture et l’ouverture d’autres SCMR ».

« On a également évalué l’impact économique et cela coûte plus cher de ne rien faire, fait valoir Marc Auriacombe. On pourrait dire, d’une façon cynique, que si ces gens qui dérangent meurent cela résout des problèmes, sauf que le décès d’un individu (prise en charge, complications etc.) a un coût. On gagne à ce que les gens ne meurent pas et ceux qui se réinsèrent contribuent à la richesse publique. » Ce type de salle d’injection, et il en existe déjà plus d’une centaine à travers le monde, a bien fait ses preuves pour la communauté scientifique.

« Tout est positif et c’est la science qui le dit mais après cela se heurte à des représentations », résume Véronique Latour.

Mais le projet se heurte à un problème de « représentations »

Le grand préjugé à combattre en la matière reste que ce type de lieu augmenterait la consommation de drogues, offrant une opportunité d’injection et incitant au rassemblement de toxicomanes. « Ce n’est pas parce qu’on donne des seringues que les gens se droguent, c’est le contraire, clarifie Véronique Latour. On est là pour participer de la prise en charge et de l’accès aux soins et pas le contraire. » Pour elle et le docteur Marc Auriacombe c’est un dispositif qui sert « l’intérêt général ».

« Avant l’expérimentation française on pouvait douter mais maintenant je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas de consensus, avance le chef de service d’addictologie de Charles Perrens. Et on sait qu’il y a des personnes qui décèdent en attendant, c’est une urgence. » Il rappelle que ce public dépendant aux drogues dures a la caractéristique de ne pas pouvoir ne pas consommer. « Plus on met de difficultés, plus on associe des dommages », estime-t-il. D’où l’intérêt de réduire les risques dans la pratique de l’injection et d’accompagner ce public qui cumule parfois par ailleurs des problèmes de précarité sociale et de maladies psychiatriques.

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