Le couperet est tombé. Elisabeth Borne a actionné mercredi soir le 49.3 pour faire adopter l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui contient un article très controversé parmi les étudiants de médecine. A savoir l’ajout d’une quatrième année d’internat pour les généralistes, laquelle serait effectuée « en priorité dans des zones où la démographie médicale est sous‑dense », selon le projet de loi. Une disposition qui s’appliquera aux étudiants commençant le troisième cycle à la rentrée de l’année universitaire 2023.
La nouvelle a suscité l’ire des principaux concernés, qui ont d’abord condamné la méthode. « Le gouvernement a refusé tout dialogue avec nous. A défaut, nous avons fait des mois de travail auprès des parlementaires pour leur expliquer pourquoi cette quatrième année d’internat n’était pas judicieuse. Et là, le gouvernement passe en force », déplore Théophile Denise, vice-président de l’Isnar-IMG, syndicat national des internes de médecine générale.
En réaction, son syndicat appelle les internes à la grève dès ce jeudi soir, jusqu’au 2 novembre : « On veut purement et simplement que l’article 23 soit retiré », déclare-t-il à 20 Minutes. L’Intersyndicale nationale des internes (Isni) a elle aussi lancé un appel à la grève à partir de vendredi, jusqu’à mercredi prochain.
« Nous refusons de pallier au manque de médecins »
Cette opposition s’explique par plusieurs raisons. Les étudiants voient d’un très mauvais œil l’incitation du gouvernement à effectuer cette quatrième année dans les zones peu denses en médecins, sachant qu’à l’heure actuelle, 6 à 7 millions de Français n’ont pas de médecin traitant. « Nous refusons de pallier le manque de médecins et une année d’exploitation où nous travaillerons 48 heures en étant payés 2.500 euros bruts par mois. Le manque de médecin était prévisible depuis des années, ce n’est pas à nous d’en payer le prix », résume Théophile Denise.
Les internes redoutent toujours de ne pas être assez bien accompagnés sur le terrain : « Nous n’avons toujours aucune assurance d’avoir suffisamment de maîtres de stages, sachant que 25 % de ceux qui exercent actuellement vont partir à la retraite dans les cinq prochaines années. Et nous craignons que l’encadrement ne soit surtout fait à distance », déclare Théophile Denise. Ce dernier dénonce aussi le fait « que le contenu pédagogique de cette quatrième année n’est toujours pas connu. »
Les doyens de médecine favorable à la mesure
De leur côté, les doyens des facultés de médecine sont plus nuancés. Lors de leur conférence de presse ce jeudi, ils ont rappelé qu’ils étaient d’accord avec le principe de cette quatrième année d’internat : « Nous sommes favorables à cette phase de consolidation. Car la médecine générale était la seule spécialité médicale à n’avoir que trois années d’internat. Il y avait un vrai besoin pédagogique », a déclaré Le Pr Didier Samuel, le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine.
Concernant les maîtres de stages, les doyens se veulent aussi rassurants : « Nous disposons actuellement de 11.800 maîtres de stages, et même si certains vont partir en retraite, nous avons trois ans pour en recruter d’autres. Et nous sommes d’accord avec les étudiants sur le fait que le télé-encadrement ne doit pas être exclusif », indique Benoît Veber, vice-président de la Conférence.
Autre point où les doyens rejoignent les étudiants : « Nous sommes contre la coercition des internes à aller dans les zones sous-denses. Même s’il faut se méfier du terme “désert médical“. Car on ne va pas envoyer les internes au Sahara. Il y a des zones sous-denses à quelques kilomètres de Paris », souligne Didier Samuel.