Même motif, même résultat : le Conseil d’État a suspendu vendredi des autorisations de chasses traditionnelles à l’alouette accordées dans certains départements par le gouvernement, satisfaisant les associations qui accusent le président de la République d’avoir voulu faire un cadeau aux chasseurs.
Le juge des référés du Conseil d’État, saisi par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et One Voice, a estimé que les arrêtés pris par le gouvernement le 4 octobre risquaient de contrevenir au droit européen sur la protection des oiseaux et qu’il existait ainsi « un doute sérieux quant à leur légalité », selon la décision consultée par l’AFP.
« Un énième camouflet à Emmanuel Macron »
« Le Conseil d’État inflige un énième camouflet à Emmanuel Macron qui s’obstine à vouloir autoriser ces pratiques moyen-âgeuses et déjà jugées illégales sous la pression des chasseurs », a réagi sur Twitter la LPO.
« Mon rêve serait que le ministère de la Transition écologique se préoccupe des oiseaux en train de disparaître plutôt que d’offrir des loisirs aux chasseurs », a déclaré à l’AFP la présidente de One Voice, Murielle Arnal, remontée contre le ministre Christophe Béchu : « il avait dit (devant les députés, ndlr) qu’il attendrait la décision de nos recours de l’année dernière pour autoriser ou non ces chasses ».
Un an plus tôt, en octobre 2021, les arrêtés autorisant les chasses traditionnelles à l’alouette et à d’autres oiseaux (grives, merles noirs, vanneaux, pluviers dorés) avaient déjà été suspendues pour des motifs semblables, via la même procédure d’urgence du référé.
Audience au fond lundi
Mais la décision sur le fond de ces dossiers n’a pas encore été rendue. L’audience doit se tenir lundi devant le Conseil d’État.
Sans attendre, le gouvernement avait repris des décrets d’autorisations, uniquement cette fois pour l’alouette. » J’assume la décision qui a été prise » avait déclaré le ministre Christophe Béchu sur Franceinfo le 8 octobre, au lendemain de la publication des arrêtés, sans préciser qui était le décisionnaire. Dans leurs réactions, les associations avaient directement mis en cause le président de la République.
Un premier texte autorisait la capture de l’alouette “à l’aide de paires de filets horizontaux (+pantes +)” en Gironde, Landes, Lot-et-Garonne et Pyrénées-Atlantiques, du 1er octobre au 20 novembre.
Un deuxième arrêté précisait le nombre de captures autorisées avec des « pantes » pour la saison 2022-2023, soit jusqu’à 56.672 dans les Landes.
Un autre texte autorisait la chasse à l’aide de cages pièges (« matoles ») dans les Landes et le Lot-et-Garonne du 1er octobre au 20 novembre, là aussi avec des quotas de quelques milliers d’individus.
Des méthodes de chasse non-sélectives
La directive européenne « oiseaux » de 2009 interdit pourtant les techniques de capture massive d’oiseaux sans distinction d’espèces. Mais une dérogation est possible « à condition d’être dûment motivée et dès lors qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante » pour capturer certains oiseaux ».
Or, estime le juge, « le ministre n’a pas démontré que ces méthodes de chasse traditionnelles seraient les seules permettant de capturer des alouettes des champs dans ces départements », un résultat qui peut être obtenu « par la chasse au tir ou l’élevage », explique un communiqué du Conseil d’État.
De plus, le juge « relève que les méthodes ainsi autorisées conduisent à la capture d’autres oiseaux, et ne peuvent pas être considérées comme sélectives », puisqu’ « au moins 15 à 20 % d’autres espèces d’oiseaux sont en effet capturés par des matoles ».
« Le ministre n’apporte aucun chiffre pour les + pantes +, dont les filets peuvent mesurer jusqu’à 50 m2, avec des mailles ne permettant pas aux autres oiseaux de s’échapper », note encore le Conseil d’État, au risque de « dommages non négligeables » sur des espèces protégées.
« Si les décisions contestées mettent en avant par ailleurs l’objectif de conserver une méthode de chasse dite + traditionnelle +, ce motif a été regardé par la Cour de justice de l’Union européenne comme n’étant pas suffisant », conclut le communiqué.